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63. (1853) De la rhétorique, ou De la composition oratoire et littéraire (2e éd.) « Chapitre VIII. de la disposition. — unité, enchainement des idées  » pp. 98-117

Sans la disposition, qui établit dans les idées l’enchaînement nécessaire pour que chacune soit à sa place et produise son effet, l’invention n’est rien ; ce n’est plus le monde, c’est le chaos. […] Par la force du génie, on se représentera toutes les idées générales et particulières sons leur véritable point de vue ; par une grande finesse de discernement, on distinguera les pensées stériles des idées fécondes ; par la sagacité que donne la grande habitude d’écrire, on sentira d’avance quel sera le produit de toutes ces opérations de l’esprit… « Ce plan n’est pas encore le style, mais il en est la base ; il le soutient, il le dirige, il règle son mouvement et le soumet à des lois. […] Rien n’est encore plus opposé à la véritable éloquence, facundia, que l’emploi de ces pensées fines et la recherche de ces idées légères, déliées, sans consistance, et qui, comme la feuille du métal battu, ne prennent de l’éclat qu’en perdant de la solidité : aussi plus on mettra de cet esprit mince et brillant dans un écrit, moins il aura de nerf, de lumière et de chaleur . » Chose singulière que cette identité de langage entre Horace et Buffon ; d’une part le poëte le plus brillant et le plus gracieux de l’antiquité, de l’autre le plus intraitable partisan de la prose qu’ait produit le siècle prosateur par excellence. […] Mais n’oubliant pas qu’il s’adresse spécialement ici aux hautes classes de la société ; que, s’il parle des autres hommes, ce n’est que d’une façon accessoire et pour faire ressortir la position des grands, l’orateur s’arrête plus longtemps sur ces derniers ; il explique quel résultat produit chez eux, dans le domaine de la passion, ce privilége de la naissance qui, leur ayant donné tout le reste, leur permet de s’occuper exclusivement du plaisir, sans en être distraits par les soins de la fortune.

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