A Chantilly, qu’on appelait l’écueil des mauvais ouvrages, protégé par le crédit d’un prince qui avait le goût de la fine raillerie, il put faire provision d’expérience, tracer impunément de malins portraits, et se vouer à un genre périlleux, sans craindre les orages. […] Image naïve des peuples, et du prince qui les gouverne, s’il est bon prince2 Giton ou le riche Giton a le teint frais, le visage plein, et les joues pendantes, l’œil fixe et assuré, les épaules larges, l’estomac haut, la démarche ferme et délibérée : il parle avec confiance, il fait répéter celui qui l’entretient, et il ne goûte que médiocrement tout ce qu’il lui dit ; il déploie un ample mouchoir3, et se mouche avec grand bruit ; il crache fort loin, et il éternue fort haut ; il dort le jour, il dort la nuit, et profondément ; il ronfle en compagnie ; il occupe à table et à la promenade plus de place qu’un autre ; il tient le milieu en se promenant avec ses égaux ; il s’arrête, et l’on s’arrête ; il continue de marcher, et l’on marche ; tous se règlent sur lui ; il interrompt, il redresse ceux qui ont la parole ; on ne l’interrompt pas, on l’écoute aussi longtemps qu’il veut parler, on est de son avis ; on croit les nouvelles qu’il débite. […] Son caractère est noble et facile, inspire le respect et la confiance, et fait que les princes nous paraissent grands et très-grands, sans nous faire sentir que nous sommes petits1. […] On ne tarit point sur les Pamphiles : ils sont bas et timides devant les princes et les ministres, pleins de hauteur et de confiance avec ceux qui n’ont que de la vertu, muets et embarrassés avec les savants ; vifs, hardis et décisifs avec ceux qui ne savent rien. […] Paître dans la langue sainte, c’est gouverner, et le nom de pasteur signifie le prince tant ces choses sont unies !