Le roi, la reine, Monsieur, toute la cour, tout le peuple, tout est abattu, tout est désespéré ; et il me semble que je vois l’accomplissement de cette parole du Prophète1 : « Le roi pleurera, le prince sera désolé, et les mains tomberont au peuple de douleur et d’étonnement. » Mais et les princes et les peuples gémissaient en vain ; en vain Monsieur, en vain le roi même tenait Madame serrée par de si étroits embrassements. […] Péroraison de l’éloge funèbre de Condé 1 Jetez les yeux de toutes parts ; voilà tout ce qu’a pu la magnificence et la piété pour honorer un héros : des titres, des inscriptions, vaines marques de ce qui n’est plus ; des figures2 qui semblent pleurer autour d’un tombeau, et de fragiles images d’une douleur que le temps emporte avec tout le reste ; des colonnes qui semblent vouloir porter jusqu’au ciel le magnifique témoignage de notre néant ; et rien enfin ne manque dans tous ces honneurs que celui à qui on les rend. Pleurez donc sur ces faibles restes de la vie humaine, pleurez sur cette triste immortalité que nous donnons aux héros ; mais approchez en particulier, ô vous qui courez avec tant d’ardeur dans la carrière de la gloire, âmes guerrières et intrépides ! […] Pleurez donc ce grand capitaine, et dites en gémissant : « Voilà celui qui nous menait dans les hasards !