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90. (1868) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, à l’usage de tous les établissements d’instruction. Cours supérieurs. Première partie : prose « Extraits des classiques français. première partie — Guizot. Né en 1787. » pp. 469-478

Entre les grands hommes, s’il en est qui ont brillé d’un éclat plus éblouissant, nul n’a été soumis à une plus complète épreuve : dans la guerre et dans le gouvernement, résister, au nom de la liberté et au nom du pouvoir, au roi et au peuple ; commencer une révolution et la finir2. […] Dans les plus mauvais jours, quand il avait à se défendre de sa propre tristesse, il disait : « Je ne puis pas ne pas espérer et croire que le bon sens du peuple prévaudra à la fin sur ses préjugés… Je ne saurais penser que la Providence ait tant fait pour rien… Le grand souverain de l’univers nous a conduits trop longtemps et trop loin sur la route du bonheur et de la gloire, pour nous abandonner au milieu. […] C’était toujours lui, après tout, qui avait raison ; mais il n’avait raison sur l’Assemblée que par le peuple, et il gouvernait les chaises curules par les tribunes. […] Quand l’orateur souverain, pris d’une subite pensée, montait à la tribune ; quand cet homme se trouvait face à face avec son peuple ; quand il était là debout ; quand son regard sardonique et lumineux, fixé, du haut de cette tribune, sur les hommes et sur les idées de son temps, avait l’air de mesurer la petitesse des hommes sur la grandeur des idées, alors il n’était plus ni calomnié, ni hué, ni injurié ; ses ennemis avaient beau faire, avaient beau dire, avaient beau s’ameuter contre lui, le premier souffle de sa bouche ouverte pour parler faisait crouler tous ces entassements.

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