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66. (1853) De la rhétorique, ou De la composition oratoire et littéraire (2e éd.) « Chapitre XXI. des figures  » pp. 289-300

Comme lorsqu’il se trouve dans une foule de peuple des soldats en uniforme, vous les distinguez immédiatement et les rapportez aux divers corps auxquels ils appartiennent ; ainsi, dans un livre ou dans un discours, vous reconnaissez à certains signes caractéristiques une métaphore, une apostrophe, une hyperbole, etc. ; les mots ou les phrases dont elles se composent ont une forme ou figure qui leur est propre, toujours la même et ne se confondant pas avec d’autres. […] Sans doute le sonnet d’Oronte et les façons de dire des marquis de Mascarille n’étaient point le langage des honnêtes gens du xviie  siècle, et ce n’est pas ainsi que parlaient Montausier, Boileau ou Fénelon ; mais, loin d’être un résultat du raffinement social, ce que les rhéteurs nomment en généra le style figuré est si bien dans la nature, qu’on ne rencontre guère de peuple primitif qui n’en use et n’en abuse en toute occasion. […] A mesure qu’un peuple s’éclaire et vieillit, la littérature tourne à la prose. […] « Les paysans ont l’esprit trop tourné à la métaphore pour ne pas deviner très-vite les expressions figurées. » Observation fine d’un écrivain de notre siècle qui a étudié le peuple, quoiqu’il l’ait malheureusement flatté avec autant d’exagération qu’on flatte tous les autres tyrans. […] Alors les aperçus dogmatiques des siècles antérieurs ne se conservent que dans les préjugés du peuple et des classes qui lui ressemblent par leur manque de lumières ; ils se perpétuent surtout dans quelques doctrines qui, pour cacher leur faiblesse, aiment à se couvrir d’un voile mystique.

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