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83. (1853) De la rhétorique, ou De la composition oratoire et littéraire (2e éd.) « Chapitre XXIII. des figures. — tropes d’invention et tropes d’usage  » pp. 323-338

« Nous sommes naturellement portés, dit Quintilien, à exagérer les choses ou à les atténuer ; personne ne se contente de la réalité ; aussi l’hyperbole est-elle un mensonge que l’on pardonne aisément. » On le pardonne, dès qu’on suppose que l’écrivain lui-même est de bonne foi, et parle comme il sent ; ou encore quand tout le monde sait à quoi s’en tenir sur la portée de son expression, ainsi qu’il arrive pour certaines monnaies dont la valeur nominale ne trompe personne sur leur cours réel. […] Vous vous dites le plus malheureux des hommes, celle que vous aimez est la plus belle des femmes ; personne ne le croit que vous ; et cependant, non-seulement on vous pardonne de l’affirmer, mais que cette infortune soit réellement étrange, cette beauté réellement extraordinaire, la vertu de votre bonne foi peut aller jusqu’à vaincre notre incrédulité. […] Racontait-il quelques-unes de ces actions qui l’ont rendu si célèbre, on eût dit qu’il n’en avait été que le spectateur, et l’on doutait si c’était lui qui se trompait ou la renommée. » La litote est la figure favorite de la modestie et de la prévention, comme lorsque Molière, à l’imitation de Lucrèce, prouve, dans le Misanthrope, que la passion sait donner des noms favorables même aux défauts des personnes aimées, La pâle est au jasmin en blancheur comparable… etc.

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