Il est assurément permis au poète de se jeter dans quelques écarts, d’obéir à son génie, de négliger l’ordre jusqu’à un certain point. […] En général, quand on néglige l’ordre, c’est dans les petites parties qu’il est permis de le faire ; les grandes parties, les parties essentielles, doivent sortir du même fond, se rapporter au même but, être liées l’une à l’autre, et former un ensemble non moins utile qu’agréable au lecteur120. […] Ce n’est pas ici un philosophe grave et austère à qui on permet de débiter ses leçons sans qu’il se mette en peine de les embellir ; c’est un favori des muses qui donne des préceptes, et qui doit en faire disparaître la sécheresse sous le charme de son style. […] Tout ce qu’on lui permet dans ce cas, c’est de jeter en passant des réflexions courtes et vives, qui paraissent naître des faits et s’être présentées d’elles-mêmes ; mais les exemples parlent assez haut, et les actions que font ses héros, et les jugements qu’il en fait porter à ses lecteurs, sont précisément le langage qui lui convient136. […] Viens, parle, et s’il est vrai que la fable, autrefois, Sut à tes fiers accents mêler sa douce voix, Si sa main délicate orna ta tête altière, Si son ombre embellit les traits de ta lumière, Avec moi sur tes pas permets-lui de marcher, Pour orner tes attraits et non pour les cacher.