Telle fut la foule de ces nouveaux-venus qu’Henri Estienne1, « ce vray François natif du cœur de la France », s’écriait avec indignation : « D’icy à peu d’ans qui sera celuy qui ne pensera que la France ait appris l’art de la guerre en l’eschole d’Italie, quand elle verra qu’elle n’use que des termes d’Italie ? […] Jusque sous les nonchalances de Montaigne se retrouverait comme la moëlle de cette antiquité romaine dont il disait : « Quand je veois ces braves formes de s’expliquer, si visves et si profondes, je ne dis pas que c’est bien dire, je dis que c’est bien penser. » Notre conclusion, c’est encore lui qui nous l’offre, non-seulement par son exemple, mais par ce précepte : « A défault de nostre langage, le latin se présente au secours… Le maniement de ses beaux esprits donne prix à la langue, non pas l’innovant, tant comme la remplissant de plus vigoureux et divers services, l’estirant et la ployant. […] — L’ire est aussi un terme admirable que ne remplacent pas courroux et colère. — Pourtraire me paraît plus bref et plus commode que faire un portrait. — Il affiert eut plus d’énergie que n’en a il convient ; car cette locution indiquait un mouvement d’attraction et de sympathie (ferre, ad). — Cuider gardait sa nuance distincte, puisqu’il voulait dire estimer après réflexion, ce que ne signifie ni penser (pensare, peser), ni croire (credere, se fier à), ni songer (somniare). — Douloir (dolere) ne contenait pas seulement l’idée métaphysique de souffrance, mais tressaillait de la sensation même qui brise le cœur et fait couler les larmes […] Parmi les plus connues figurent les superlatifs moult (multum) et prou (beaucoup) dont il faut faire son deuil, quoi qu’en pense La Bruyère. […] Elle répétait des lieux communs, au lieu de penser par elle-même.