Dans les âges suivants, on commence à prendre son pli, les passions s’appliquent à quelques objets, et alors celle qui domine ralentit du moins la fureur des autres : au lieu que cette verte jeunesse, n’ayant encore rien de fixe ni d’arrêté, en cela même qu’elle n’a point de passion dominante par-dessus les autres, elle3 est emportée, elle est agitée tour à tour de toutes les tempêtes des passions, avec une incroyable violence. […] Vous le savez, fidèles, de toutes les passions la plus charmante6 c’est l’espérance. […] Aussi en était-il aimé jusqu’à la passion ; et dans le temps de sa mort, on vit par tout le royaume et dans toutes les familles, je ne dis pas l’étonnement, l’horreur et l’indignation que devait inspirer un coup si soudain et si exécrable, mais une désolation pareille à celle que cause la perte d’un bon père à ses enfants. […] Toutes nos passions sont des flatteuses ; surtout notre amour-propre est un grand flatteur qui ne cesse de nous applaudir, et tant que nous écouterons ce flatteur caché, jamais nous ne manquerons d’écouter les autres ; car les flatteurs du dehors, âmes vénales et prostituées, savent bien connaître la force de cette flatterie intérieure. C’est pourquoi ils s’accordent avec elle ; ils agissent de concert et d’intelligence ; ils s’insinuent si adroitement dans ce commerce de nos passions, dans cette complaisance de notre amour-propre, dans cette secrète intrigue de notre cœur, que nous ne pouvons nous tirer de leurs mains ni reconnaître leur tromperie.