Clytemnestre va retourner en Argos après la mort de sa fille qu’elle avait amenée pour l’hymen d’Achille ; Et moi qui l’amenai triomphante, adorée, Je m’en retournerai seule et désespérée ; Je verrai les chemins encor tout parfumes Des fleurs dont sous ses pas on les avait semés… Madame de Sévigné ne dira pas autrement que Clytemnestre : « Quand j’ai passé sur ces chemins, j’étais comblée de joie dans l’espérance de vous voir et de vous embrasser ; et en retournant sur mes pas, j’ai une tristesse mortelle dans le cœur, et je regarde avec envie les sentiments que j’avais en ce temps-là. » Dans tous ces exemples, l’antithèse n’est que le reflet de l’opposition qui existe réellement dans les idées, les faits, les sentiments ; et ce rapprochement préalable entre les choses ne peut que gagner en clarté, en force, en grâce, en pathétique, au rapprochement entre les mots. […] Non-seulement l’ironie parait louer ce qu’on blâme en effet, mais elle conseille le contraire de ce qu’on veut ; pour mieux faire sentir toute l’horreur du mal, elle demande qu’on l’exagère jusqu’au délire : … Poursuis, Néron : avec de tels ministres, Par des faits glorieux tu vas te signaler ; Poursuis ; tu n’as pas fait ce pas pour reculer ; et à la fin d’Andromaque : Grâce aux dieux, mon malheur passe mon espérance108, Et je te loue, ô ciel ! […] Ici l’on affirme ou l’on rappelle certaines idées, certains faits, tout en disant qu’on les passera sous silence, prétérition ; là, on feint de s’être laissé emporter à la passion, ou d’avoir mal apprécié les choses, et l’on revient à dessein sur ce que l’on a dit pour le fortifier, l’adoucir, le rétracter même et produire ainsi plus d’effet, correction, rétroaction, épanorthose ; on a l’air tantôt d’admettre jusqu’à un certain point les objections de l’adversaire et de reculer devant lui, pour reprendre bientôt après ou s’assurer immédiatement un avantage décisif, concession, préoccupation, prolepse ; tantôt de le consulter, d’entrer dans son opinion, de partager ses erreurs, afin de l’amener moins péniblement à l’aveu ou au repentir, communication ; plus loin, on semble mettre en question ce que l’on a déjà irrévocablement décidé, délibération ; ou encore s’enquérir de ce que l’on sait fort bien, interrogation ; si bien même que souvent, après avoir fait la demande, on fait la réponse, au lieu de l’attendre, subjection.