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94. (1868) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, à l’usage de tous les établissements d’instruction. Cours supérieurs. Première partie : prose « Extraits des classiques français. première partie — Chateaubriand, 1768-1848 » pp. 409-427

Une espèce de sauvage, presque nu, pâle et miné par la fièvre, garde ces tristes chaumières : on dirait qu’aucune nation n’a osé succéder aux maîtres du monde dans leur terre natale, et que les champs sont tels que les a laissés le soc de Cincinnatus, ou la dernière charrue romaine. […] Le fleuve cependant poursuit sa course immense : Tantôt, roulant ses flots dans un profond silence, Réfléchit, doucement agité par les vents, Les arbres, les rochers, les nuages errants ; Tantôt entre deux monts précipitant ses ondes, Fait éclater sa voix sous leurs voûtes profondes, Sort, d’écume, de fange et de débris couvert, De ses flots débordés inonde le désert, Arrose cent climats peuplés ou solitaires ; Et, portant dans ses eaux cent fleuves tributaires, Vers l’Océan jaloux, s’avance avec fierté, Ose du Dieu surpris braver la majesté ; Et, du flux impuissant brisant les faibles chaînes, Semble entrer en vainqueur dans ses vastes domaines.

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