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39. (1859) Principes de composition française et de rhétorique. Vol. I « Première partie — Chapitre V. — Qualités particulières du Style »

Regardez si je ferai jamais de beaux discours qui me valent tant, et, s’il n’eût pas été bien mal à propos qu’en cette occasion, sous ombre que je suis à l’Académie, je me fusse piqué de parler bon français. […] Ce sont des pensées qui ne brillent que par l’opposition ; on ne présente qu’un côté de l’objet, ou met dans l’ombre toutes les autres faces ; et, ordinairement, ce côté qu’on choisit est une pointe, un angle sur lequel on fait jouer l’esprit avec d’autant plus de facilité qu’on s’éloigne davantage des grandes faces sous lesquelles le bon sens a coutume de considérer les choses. […] Il pense que l’écrivain perd son temps à faire des combinaisons de mots inutiles ; que ce n’est point là du style, mais l’ombre du style : Rien n’est plus opposé au beau naturel que la peine qu’on se donne pour exprimer des choses ordinaires ou communes du ne manière singulière ou pompeuse : rien ne dégrade plus l’écrivain. […] Ces écrivains n’ont point de style, ou, si l’on veut, ils n’en ont que l’ombre : le style doit graver des pensées ; ils ne savent que tracer des paroles. […] Vous répande les ténèbres, et la nuit est sur la terre : c’est alors que les bêtes de forêts marchent dans l’ombre ; alors les rugissements des lionceaux appellent la proie, et demandent à Dieu la nourriture promise au animaux, Mais le soleil s’est levé, et déjà les bêtes sauvages se sont retirées ; elles sont allées se placer dans leurs tanières : l’homme alors sort pour le travail du jour, et accomplit son œuvre jusqu’au soir.

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