Là, sur ce théâtre changeant et mobile, où la scène varie à chaque instant ; où, sous les apparences du repos, règne le mouvement le plus rapide : dans cette légion d’intrigues cachées, de perfidies ténébreuses, de méchanceté profonde et réfléchie : dans cette région, où l’on respecte, sans estimer ; où l’on applaudit, sans approuver ; où l’on sert, sans aimer ; où l’on nuit, sans haïr ; où l’on s’offre par vanité ; où l’on se promet par politique ; où l’on se donne par intérêt : où l’on s’engage sans sincérité ; où l’on se retire, où l’on s’abandonne sans bienséance et sans pudeur : dans ce labyrinthe de détours tortueux, où la prudence marche au hasard ; où la route de la prospérité mène si souvent à la disgrâce ; où les qualités nécessaires pour avancer, sont souvent un obstacle qui empêche de parvenir ; où vous n’évitez le mépris, que pour tomber dans la haine ; où le mérite modeste est oublié, parce qu’il ne s’annonce pas ; où le mérite qui se produit, est écarté, opprimé, parce qu’on le redoute ; où les heureux n’ont point d’amis, puisqu’il n’en reste point aux malheureux : là, dès les premiers pas que l’abbé de Fleuri fait dans ces sentiers embarrassés, on croirait qu’il les a parcourus mille fois… Il apporte à la cour les talents qu’on vient y chercher ; il n’y prend aucun des vices qu’elle a coutume de donner… Les sociétés du goût le plus fin, le plus délicat et le plus difficile, le reçoivent, l’appellent et l’invitent… Il se concilie tous les esprits ; il obtient tous les suffrages ». […] Bossuet, dans son oraison funèbre de Henriette-Marie de France 8 , reine d’Angleterre, prévient ses auditeurs que ce discours va leur offrir un de ces exemples redoutables, qui étalent aux yeux du monde sa vanité tout entière. […] Lisez dans les divins cantiques l’histoire de ses austérités, et voyez quel fut le détail triste et édifiant de sa pénitence ; et si vous croyez que le sexe vous donne là-dessus quelque privilège, Esther 10, au milieu des plaisirs d’une cour superbe, savait affliger son âme par le jeûne, et se dérober aux réjouissances publiques, pour offrir à Dieu, dans le fond d’un appartement, le pain de sa douleur et le sacrifice de ses larmes ». […] La noble fiction, en flattant les esprits, Charme et conduit au vrai par des chemins fleuris, Orne la vérité des attraits de la fable, Et l’offre à nos regards plus belle et plus aimable. […] La Fontaine nous offre aussi dans ses œuvres posthumes, une imitation très bien faite de la description du palais du Sommeil, qu’on lit dans les métamorphoses d’Ovide.