Il s’agit d’abord de bien fixer le sens que j’attache à ces mots. […] Ainsi ils donnent des règles pour allumer ou éteindre la joie ou la douleur, l’admiration ou le mépris, la crainte ou l’espérance, l’honneur ou la honte, la pitié ou la terreur, en un mot, l’amour ou la haine. […] Enfin, à ces deux grands caractères généraux, éthique et pathétique, encore une fois qu’on me passe ces mots, viendra se joindre la prodigieuse diversité des climats et des produits, qui donnera à chaque coin de terre, à chaque subdivision des eaux, aux animaux, aux plantes, selon les lieux et les saisons différentes, aux métaux même et aux minéraux façonnés par la main de la nature ou de l’homme, une physionomie sui generis, une couleur locale, féconde en idées neuves pour celui qui observe longtemps avant de prendre la plume. […] Cousin aux auditeurs de son Cours d’histoire de la philosophie, quel est celui de vous qui pense que les lieux, la terre qu’il habite, l’air qu’il respire, les montagnes ou les fleuves qui l’avoisinent, le climat, le chaud, le froid, toutes les impressions qui en résultent, en un mot, que le monde extérieur lui est indifférent et n’exerce sur lui aucune influence ? […] Le passé n’est pas si loin de nous pour que je ne puisse répéter ce que je disais il y a quelques années : puissent les jeunes écrivains de l’un et l’autre sexe bien comprendre que l’outrecuidance des prétentions, le ton rogue et magistral s’excusent à peine par l’autorité d’une virilité puissante ou d’une tête blanchie ; que les réformateurs au maillot ou en cornette font sourire les personnes sensées ; que le laisser aller du feuilleton ou l’échevelé, l’excentrique, le décousu des romans à la mode, il y a peu de temps encore, contrastent péniblement avec la dignité de certains sujets ; qu’il est des choses que certaines personnes doivent feindre d’ignorer, d’ignobles et hideux spectacles qu’elles ne doivent jamais se flatter d’avoir vus ; en un mot, que, si les bienséances ne sont pas la vertu, elles font supposer qu’on y croit encore, et que, si l’on a la folie de mépriser les autres, il faut au moins paraître se respecter soi-même.