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73. (1872) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, accompagnés de notes et notices. Cours supérieurs et moyens. Prose et poésie « Extraits des classiques français — Première partie. Prose — Chateaubriand 1768-1848 » pp. 222-233

Qui dira le sentiment qu’on éprouve en entrant dans ces forêts aussi vieilles que le monde, et qui seules donnent une idée de la création telle qu’elle sortit de la main de Dieu ? […] Une espèce de sauvage, presque nu, pâle et miné par la fièvre, garde ces tristes chaumières : on dirait qu’aucune nation n’a osé succéder aux maîtres du monde dans leur terre natale, et que les champs sont tels que les a laissés le soc de Cincinnatus, ou la dernière charrue romaine. […] Un effet de lune Un soir je m’étais égaré dans une forêt, à quelque distance de la cataracte du Niagara ; bientôt je vis le jour s’éteindre autour de moi, et je goûtai, dans toute sa solitude, le beau spectacle d’une nuit parmi les déserts du nouveau monde. […] M. de Lamartine dit : « Le poëte est semblable aux oiseaux de passage qui ne bâtissent point leurs nids sur le rivage, qui ne se posent pas sur les rameaux des bois ; nonchalamment bercés sur le courant de l’onde, ils passent en chantant loin des bords ; et le monde ne connaît rien d’eux que leurs voix. » 2. […] Partant, dans ce bas monde, où personne ne jouit de rien, où on ne vit que d’espérance, celui-là sera le plus heureux qui aura l’espérance la plus belle et la plus assurée.

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