Cependant, bien que chaque individu ait en lui quelque chose de typique, et soit, comme on l’a dit, un microcosme, il n’est pas seul au monde, et, tout en s’étudiant soi-même, il ne doit point perdre de vue les autres, dans les diverses modifications que peuvent leur faire subir le climat, l’âge, le sexe, le tempérament, le pays, le siècle, la religion, les institutions politiques et sociales, les relations de famille, l’éducation, les occupations enfin, et les habitudes journalières. […] Cousin aux auditeurs de son Cours d’histoire de la philosophie, quel est celui de vous qui pense que les lieux, la terre qu’il habite, l’air qu’il respire, les montagnes ou les fleuves qui l’avoisinent, le climat, le chaud, le froid, toutes les impressions qui en résultent, en un mot, que le monde extérieur lui est indifférent et n’exerce sur lui aucune influence ? […] N’oublions pas, comme je l’ai dit ailleurs15, qu’au fond de toutes les spécialités locales ou temporaires repose toujours l’humanité identique et universelle ; qu’avant d’être l’homme de telle période et de telle latitude, on est l’homme ; qu’exprimer ces caractères génériques, ces passions, ces mœurs, aussi vieilles que le monde, ces vérités non moins anciennes, qui forment le fond commun de l’humanité, est la condition essentielle de tout écrit digne d’être lu ; que plus un écrivain conserve de points de contact avec l’humanité en général, plus il obéit à sa nature ; que plus il pénètre avec profondeur et sagacité dans le domaine de tous, plus il est fidèle à sa mission.