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117. (1897) Extraits des classiques français, seizième, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, accompagnés de notes et notices. Cours moyens. Première partie : prose. [Seizième siècle] « Étude littéraire et philologique sur la langue du XVIe siècle » pp. -

4° Mille petites nuances l’attestent, par exemple, le pronom démonstratif ce, qui jadis avait sa fonction importante, dont il a trop perdu mémoire. […]  — Issir (sortir avec vitesse) parlait à l’imagination, et n’a pas laissé sa vertu au verbe sortir (sortiri). — Rober (voler) s’applique à un rapt violent auquel ne suffit point dérober ou même ravir. — Tollir a une tout autre véhémence qu’enlever. — Liesse (lætitia) nous communique le sentiment d’une jouissance, d’une délectation, dont la plénitude n’est traduite que languissamment par des synonymes dégénérés. — Ramentevoir (remettre en mémoire) désignait je ne sais quelle réminiscence de souvenir éloigné, dont le vague rappel chercherait aujourd’hui vainement son verbe définitif. — Enfin souloir (solere) a droit au moins à une oraison funèbre, ne fût-ce qu’en mémoire de La Fontaine qui, dans son épitaphe, disait nonchalamment de sa vie écoulée : Deux parts en fit, dont il soulait passer L’une à dormir, et l’autre à ne rien faire Je ne dirai rien de marri, d’accort, de discourtois, d’assagir, d’amusoir, de charlataner, de coquiner, de dévaller, d’embesogner, d’encager, de routiner, de pluviner et de tant d’autres vocables qui, tout morts qu’ils sont, pourraient bien être plus vivants que leurs héritiers ; car, après l’ostracisme qui sévit entre 1600 et 1620, nous avons été réduits à leur substituer des termes abstraits qui sentent l’officine des savants, au lieu d’avoir jailli de source vive, je veux dire de l’imagination populaire, si prompte à peindre et animer tout ce qu’elle voit, tout ce qu’elle touche. […] Elle n’exprimait pas d’idées générales, ou, si parfois elle l’essaya, la mémoire et non la conscience en fit seule les frais.

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