La loi doit régner sur les rois Sire, c’est le choix de la nation qui mit d’abord le sceptre entre les mains de vos ancêtres ; c’est elle qui les éleva sur le bouclier militaire et les proclama souverains. […] En un mot, comme la première source de leur autorité vient de nous, les rois n’en doivent faire usage que pour nous… Ce n’est donc pas le souverain, c’est la loi, sire, qui doit régner sur les peuples : vous n’en êtes que le ministre et le premier dépositaire ; c’est elle qui doit régler l’usage de l’autorité, et c’est par elle que l’autorité n’est plus un joug pour les sujets, mais une règle qui les conduit, un secours qui les protége, une vigilance paternelle qui ne s’assure leur soumission que parce qu’elle s’assure leur tendresse. Les hommes croient être libres quand ils ne sont gouvernés que par les lois ; leur soumission fait alors tout leur bonheur, parce qu’elle fait toute leur tranquillité et toute leur confiance. Les passions, les volontés injustes, les désirs excessifs et ambitieux que les princes mêlent à l’autorité, loin de l’étendre, l’affaiblissent ; ils deviennent moins puissants dès qu’ils veulent l’être plus que les lois ; ils perdent en croyant gagner : tout ce qui rend l’autorité injuste et odieuse l’énerve et la diminue1. […] Si l’on est maître de son sort, c’est la crainte du monde et de ses jugements qui en décide ; en un âge tendre, on regarde comme une loi la volonté de ceux de qui l’on tient la vie ; on n’ose produire des désirs qui contrediraient leurs desseins : on étouffe des répugnances qui deviendraient bientôt des crimes.