Pour comprendre son originalité, rappelons-nous que cet homme de bien, attaché à tous ses devoirs jusqu’au scrupule ; que ce père si tendre et cet ami si dévoué reçut de la nature une âme ardente, une sensibilité inquiète, irritable, maladive et presque féminine, comme le prouvent ses vives épigrammes, ses lettres à Nicole, sa préface de Britannicus, et la fin de sa vie. […] Oui, monsieur, que l’ignorance rabaisse tant qu’elle voudra l’éloquence et la poésie, et traite les habiles écrivains de gens inutiles dans les États, nous ne craindrons point de dire, à l’avantage des lettres et de ce corps fameux dont vous faites maintenant partie, que du moment que des esprits sublimes, passant de bien loin les bornes communes, se distinguent, s’immortalisent par des chefs-d’œuvre comme ceux de monsieur votre frère, quelque étrange inégalité que, durant leur vie, la fortune mette entre eux et les plus grands héros, après leur mort cette différence cesse : la postérité, qui se plaît, qui s’instruit dans les ouvrages qu’ils lui ont laissés, ne fait point de difficulté de les égaler à tout ce qu’il y a de plus considérable parmi les hommes, et fait marcher de pair l’excellent poëte et le grand capitaine. […] Lettre de Racine à son fils ainé 1 Au camp de Thieusies, le 2 juin 1693. […] Je veux croire que vous avez écrit fort vite les deux lettres que j’ai reçues de vous, car le caractère en paraît beaucoup négligé.