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59. (1845) Les auteurs latins expliqués... Horace. Art poétique pp. -72

combien d’autres, qui sont de mode aujourd’hui, tomberont à leur tour, si l’usage le veut jamais, l’usage, cet arbitre absolu, ce maître, ce régulateur du langage. […] C’est ainsi qu’à son art primitif le joueur de flûte ajouta la danse, le luxe des costumes, et cette robe traînante qu’il promena sur la scène ; c’est ainsi que la lyre sévère s’enrichit de cordes nouvelles : alors la poésie lyrique, plus hardie, prit un essor inconnu ; et, dans ses conseils pleins de sagesse, comme dans ses révélations prophétiques, le Chœur emprunta le mystérieux langage de la Pythonisse. […] Il ne faut pas que vos Dieux et vos héros, quand on vient de les voir, tout brillants d’or et se pavanant sous la pourpre des rois, descendent à l’ignoble langage des tavernes enfumées ; ou que, par crainte de la terre, ils aillent se perdre dans les nues. […] Je ne viserais pas non plus au ton de la tragédie ; mais je n’aurais garde de confondre les facéties d’un Dave, ou de cette friponne de Pythias, escroquant les écus du bonhomme Simon qu’elle enjôle, avec le langage de Silène, gardien fidèle, serviteur et nourricier de Bacchus. […] Depuis, les oracles ne répondirent plus qu’en vers ; la morale parla le même langage ; pour gagner la faveur des rois, on emprunta la douce voix des neuf sœurs ; enfin, c’est la poésie qui nous donna le théâtre, délassement si doux après les pénibles travaux.

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