« L’apostrophe, dit Marmontel, consiste à détourner tout à coup la parole et à l’adresser, non plus à l’auditoire ou à l’interlocuteur, mais aux absents, aux morts, aux êtres invisibles ou inanimés, et le plus souvent à quelqu’un ou à quelques-uns des assistants. » Il fait remarquer que, dans ce dernier cas, l’apostrophe est une des armes les plus puissantes de l’éloquence ; c’est l’adversaire, le juge, l’une ou l’autre classe d’auditeurs, que l’orateur interpelle tout à coup, qu’il prend à partie, qu’il atteste, qu’il terrasse ou qu’il implore. […] Voici maintenant une interruption dans Bossuet, en parlant de la reine d’Angleterre : « Combien de fois a-t-elle remercié Dieu humblement de deux grandes grâces : l’une de l’avoir faite chrétienne ; l’autre… Messieurs, qu’attendez-vous ? […] Quintilien compare ingénieusement l’arrangeur de phrases et de périodes (et notre orgueil a beau en murmurer, c’est là plus ou moins le lot de tout écrivain), à l’ouvrier qui construit un mur avec des pierres brutes, qui essaye, qui rejette, qui reprend, tantôt l’une, tantôt l’autre, jusqu’à ce qu’il ait placé chacune à l’endroit convenable et où elle s’agence le mieux.