Les Jugements de l’histoire et de la conscience Que les princes se glorifient tant qu’il leur plaira de ne voir rien que le ciel qui soit plus élevé que leur trône ; qu’ils parlent tant qu’ils voudront de l’indépendance de leurs couronnes ; il y a deux tribunaux dont ils ne peuvent décliner la juridiction, et devant lesquels il faut tôt ou tard qu’ils se présentent : c’est au dehors, le tribunal de la renommée, et celui de la conscience, au dedans. […] Les plus fins d’entre eux, ou les plus considérables, s’inquiétaient déjà de la santé du roi ; ils se savaient bon gré de conserver tant de jugement parmi ce trouble, et n’en laissaient pas douter par la fréquence de leurs répétitions. […] La même énergie de conviction, la même fidélité à son propre jugement, qu’il portait dans l’appréciation générale des choses, l’accompagnaient dans la pratique des affaires. […] Au xvie siècle, il s’agissait d’amener l’Église à la réforme d’abus disciplinaires ; mais on s’élève contre le principe d’autorité, on lui refuse l’interprétation du dogme révélé, on remet cette interprétation à la mobilité du jugement individuel : aussitôt s’échappe du sein des peuples « ce je ne sais quoi d’inquiet », comme dit Bossuet, qu’ils ont au fond du cœur ; la démangeaison d’innover saisit tous les esprits, et le protestantisme se pulvérise en mille sectes contradictoires, qui livrent le christianisme mis en pièces aux mépris de l’incrédulité. […] En disparaissant, le principe d’autorité semble porter contre les sociétés ce jugement qu’un prophète met dans la bouche de Dieu : « Leur âme a varié envers moi, et je leur ai dit : Je ne serai plus votre pasteur.