/ 267
76. (1872) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, accompagnés de notes et notices. Cours supérieurs et moyens. Prose et poésie « Extraits des classiques français — Première partie. Prose — Jean-Jacques Rousseau, 1712-1778 » pp. 185-195

Tourmenté par une imagination ombrageuse, il finit par tomber dans une noire misanthropie qui devint son supplice, et hâta la fin d’une existence solitaire et farouche que consumaient des craintes sans cause, et un orgueil sans bornes. […] Formé tout seul, sans maître, à l’école de la souffrance, son génie se compose d’imagination et de sensibilité, de logique et de véhémence ; il a de l’orateur le mouvement, la force, la dialectique pressante, l’abondance et la flamme. […] Les jeunes gens corrompus sont inhumains et cruels J’ai toujours vu que les jeunes gens corrompus de bonne heure étaient inhumains et cruels ; leur imagination, pleine d’un seul objet, se refusait à tout le reste ; ils ne connaissaient ni pitié, ni miséricorde ; ils auraient sacrifié père et mère, et l’univers entier, au moindre de leurs plaisirs1 Au contraire, un jeune homme, élevé dans une heureuse simplicité, est porté par les premiers mouvements de la nature vers les passions tendres et affectueuses : son cœur compatissant s’émeut sur les peines de ses semblables ; il tressaille d’aise quand il revoit son camarade ; ses bras savant trouver des étreintes caressantes, ses yeux savent verses des larmes2 d’attendrissement ; il est sensible à la honte de déplaire, au regret d’avoir offensé.

/ 267