Ils ne songèrent point à prendre pour sujet spécial de leurs compositions la tranquillité et les plaisirs de la campagne, tant que ces biens furent pour eux des objets familiers et d’une jouissance journalière ; ce fut lorsque les hommes, réunis dans les grandes villes, commencèrent à se plaindre de toutes les misères que la corruption y avait entassées, cl à regretter la vie douce et innocente dont avaient joui leurs ancêtres au milieu des scènes champêtres et des occupations pastorales, qu’ils conçurent l’idée de célébrer ce bonheur dans leurs vers, et que la poésie pastorale revêtit sa forme actuelle. […] On peut ensuite la voir telle qu’elle est de nos jours : l’état des bergers est bas, servile, laborieux ; leurs occupations sont devenues pénibles et désagréables, leurs idées tristes et grossières. […] Il faut qu’il se forme l’idée d’une vie champêtre telle qu’elle a pu exister pendant le cours de ces temps heureux où les bergers étaient aimables et gais, sans avoir l’instruction et les manières des peuples avancés dans la civilisation ; où ils étaient simples et naïfs, sans être grossiers et sans exciter un sentiment de pitié. […] Après tout ce que nous avons dit sur la nature de la pastorale, et sur les mœurs et le langage des bergers, il est facile de se former une idée juste du ton et du style que demande ce genre de poésie.