L’esprit humain ne peut rien créer : il ne produira qu’après avoir été fécondé par l’expérience et la méditation ; ses connaissances sont les germes de ses productions ; mais, s’il imite la nature dans sa marche et dans son travail, s’il s’élève par la contemplation aux vérités les plus sublimes, s’il les réunit, s’il les enchaîne, s’il en forme un tout, un système par la réflexion, il établira sur des fondements inébranlables des monuments immortels1. […] D’ailleurs elle ne nous a transmis que les gestes de quelques nations, c’est-à-dire les actes d’une très-petite partie du genre humain : tout le reste des hommes est demeuré nul pour nous, nul pour la postérité ; ils ne sont sortis de leur néant que pour passer comme des ombres qui ne laissent point de traces ; et plût au ciel que le nom de tous ces prétendus héros, dont on a célébré les crimes ou la gloire sanguinaire, fût également enseveli dans la nuit de l’oubli ! […] Car le plus grand plaisir que reçoivent les hommes de guerre, c’est de fourrager le plat païs, voler les païsans, brusler les villages, assiéger, battre, forcer, saccager les villes, massacrer les bons et méchants, jeunes et vieux, tous âges et tous sexes ; se laver au sang des meurtris, souiller les choses sacrées, raser les temples, blasphémer le nom de Dieu et fouler aux pieds tout droit divin et humain. […] À cette noble fierté, tempérée d’une tristesse sévère, il ne manque que le rayon, l’humble désir qui appelle la bénédiction d’en haut sur l’humaine sueur et qui fait demander le pain quotidien. […] Il n’y a rien d’exagéré dans toutes ces têtes sublimes, et le caractère humain est empreint dans celle de Buffon. » Cuvier disait : « Buffon a rendu à son pays le plus grand des services : celui d’avoir popularisé la science, d’y avoir intéressé les grands comme les humbles, et produit ainsi des effets incalculables pour l’avenir.