Homère a montré sur quel ton peuvent se chanter les hauts faits des rois et des héros, et les horreurs de la guerre. […] L’ode inspirée chante sur la lyre les Dieux, et les héros fils des Dieux, et l’athlète couronné, et le coursier vainqueur dans la carrière, et les tourments de l’amour, et la libre gaîté des festins. […] Gardez-vous de faire parler un esclave comme un héros ; un vieillard expérimenté comme un jeune homme dans la fougue de l’âge ; une dame de qualité comme une humble nourrice : marquez la même différence entre le marchand qui court le monde, et le colon sédentaire d’un petit champ fertile ; entre le sauvage de la Colchide et l’Assyrien ; entre le citoyen de Thèbes et celui d’Argos. […] que j’aime mieux ce poëte plein d’adresse qui, sans se battre les flancs, nous dit : « Muse, chantez ce héros qui, après la chute de Troie, parcourut tant de contrées, et observa les mœurs de tant de peuples divers. » Chez lui, ce n’est pas la fumée qui succède à la lumière : mais de la fumée il fait jaillir une flamme éclatante ; puis sa muse vamous prodiguer les récits merveilleux : Antiphate et Seylla, et Charybde et Polyphème. […] Il ne faut pas que vos Dieux et vos héros, quand on vient de les voir, tout brillants d’or et se pavanant sous la pourpre des rois, descendent à l’ignoble langage des tavernes enfumées ; ou que, par crainte de la terre, ils aillent se perdre dans les nues.