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18. (1867) Rhétorique nouvelle « Introduction » pp. 2-33

Ces gens-là, pour peindre l’homme, ne se sont jamais avisés qu’il faut regarder l’homme. […] Écoutez un artiste vous parler des choses de son art, un plaideur de son procès, un amateur de sa collection, un sportman de son écurie : tous ces gens-là sont éloquents, — et cependant ils ne sont pas orateurs. […] vous avez devant vous un jury composé de bourgeois et de paysans, pour qui un attentat à la propriété est le plus grand des crimes, que le seul mot d’incendie fait frémir pour leurs maisons, leurs récoltes, leurs troupeaux, et, au lieu de vous présenter avec le calme de la confiance, au lieu de dire : Messieurs, le hasard ne pouvait m’offrir pour mon début une affaire plus simple, où l’innocence de l’accusé éclatât plus manifestement et fût plus facile à démontrer, — vous allez parler de votre âge, de votre inexpérience, de la difficulté du procès ; vous allez appeler sur vous l’indulgence de ces braves gens, résolus d’avance à punir, je ne dirai pas le crime, mais l’ombre du crime d’incendie, comme si vous doutiez de la bonté de votre cause, comme si elle était déjà perdue à vos yeux et désespérée ! […] Mêlez-vous au monde, voyez des gens de tout métier, de toute profession. […] Je sais des gens de robe qui n’ont dans leur bibliothèque que des livres de droit, et qui s’en vantent.

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