Ce n’était point un de ces génies ardents, pressés d’éclater, entraînés par la grandeur de leur pensée ou de leur passion, et qui répandent autour d’eux les richesses de leur nature, avant même qu’au dehors aucune occasion, aucune nécessité en sollicite l’emploi. […] On eût dit, à sa résolution nette et tranquille, que c’était pour lui une chose naturelle de décider des affaires et d’en répondre : signe assuré d’un génie né pour gouverner ; puissance admirable quand elle s’unit à un désintéressement consciencieux. […] Si nous consultons les mémoires du temps, si dans ses paroles à demi figées sur le papier nous cherchons à reconnaître l’inspiration primitive, nous voyons un homme audacieux par le caractère autant que par le génie ; attaquant avec véhémence, lorsqu’il aurait eu peine à se défendre ; faisant passer les mépris qu’on lui avait d’abord montrés pour le premier des préjugés qu’il veut détruire ; y réussissant à force de hardiesse et de talent, et ressaisissant par l’éloquence l’ascendant sur les passions qu’il cesse de flatter. […] Quand cet homme était à la tribune dans la fonction de son génie, sa figure devenait splendide et tout s’évanouissait devant elle. » (Littérature et philosophie, p. 110, Hachette et Cie.)