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25. (1868) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, à l’usage de tous les établissements d’instruction. Cours supérieurs. Première partie : prose « Extraits des classiques français. première partie — Buffon, 1707-1788 » pp. 282-302

La nature, qui partout ailleurs brille par sa jeunesse, paraît ici dans la décrépitude : la terre surchargée par le poids, surmontée par les débris de ses productions, n’offre, au lieu d’une verdure florissante, qu’un espace encombré, traversé de vieux arbres chargés de plantes parasites, de lichens, d’agarics, fruits impurs de la corruption ; dans toutes les parties basses, des eaux mortes et croupissantes faute d’être conduites et dirigées ; des terrains fangeux, qui, n’étant ni solides ni liquides, sont inabordables, et demeurent également inutiles aux habitants de la terre et des eaux ; des marécages qui, couverts de plantes aquatiques et fétides, ne nourrissent que des insectes venimeux et servent de repaire aux animaux immondes. […] Les fleurs, les fruits, les grains perfectionnés, multipliés à l’infini ; les espèces utiles d’animaux transportées, propagées, augmentées sans nombre ; les espèces nuisibles réduites, confinées, reléguées ; l’or, et le fer plus nécessaire que l’or, tirés des entrailles de la terre ; les torrents contenus, les fleuves dirigés, resserrés ; la mer même soumise, reconnue, traversée d’un hémisphère à l’autre ; la terre accessible partout, partout rendue aussi vivante que féconde ; dans les vallées de riantes prairies, dans les plaines de riches pâturages ou des moissons encore plus riches ; les collines chargées de vignes et de fruits, leurs sommets couronnés d’arbres utiles et de jeunes forêts ; les déserts devenus des cités habitées par un peuple immense, qui, circulant sans cesse, se répand de ces centres jusqu’aux extrémités ; des routes ouvertes et fréquentées, des communications établies partout comme autant de témoins de la force et de l’union de la société ; mille autres monuments de puissance et de gloire démontrent assez que l’homme, maître du domaine de la terre, en a changé, renouvelé la surface entière, et que de tout temps il partage l’empire avec la nature. […] Voilà les fruits de la guerre plaisants et agréables aux hommes guerriers, abominables aux gens de bien et détestables devant Dieu. » 1.

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