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39. (1868) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, à l’usage de tous les établissements d’instruction. Cours supérieurs. Première partie : prose « Extraits des classiques français. première partie — Cousin, 1792-1867 » pp. 492-503

Mais ce n’est pas en un jour que s’est formée et a paru à la lumière cette littérature et particulièrement cette prose nouvelle qui dit adieu sans retour aux libres allures et à l’inimitable fantaisie de Rabelais et de Montaigne, et se propose un tout autre idéal dont les traits dominants seront une clarté suprême et une simplicité parfaite, rehaussées par la force et par la grandeur. […] Ces deux facultés-là étaient comme les maîtresses pièces, les deux grands mobiles, les ailes même du génie de Rousseau ; elles n’ont pu déployer impunément toute leur puissance que parce qu’elles avaient à leur service le style nouveau qu’il s’était formé, ce style dont le trait distinctif est la force. […] Voilà les maîtres vers lesquels il faut sans cesse porter ses regards, quand on a quelques sentiments de l’art véritable, et qu’on aime cette admirable langue française, fidèle image de l’esprit et du caractère national, qui ne peut se soutenir et durer que par le perpétuel renouvellement des causes qui l’ont formée et élevée, à savoir les grands sentiments et les grandes pensées, ces foyers immortels du génie des écrivains et des artistes, aussi bien que de la puissance des nations. […] Les causes de toute sorte qui ont amené peu à peu, dans la langue et la littérature française, ce grand changement, si manifeste dans le Discours de la Methode et dans le Cid, forment un problème d’histoire littéraire aussi curieux que difficile à résoudre, et que l’Académie française a eu bien raison de mettre au concours.

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