Il fit donc de l’ellipse la figure dominante dans son style ; et c’est à son emploi, aussi sage qu’heureux, qu’il fut redevable de ses principales beautés de diction ; c’est ainsi qu’il posa la borne qui sépare à jamais la prose de la poésie. Mais l’emploi même de cette figure supposait un travail réfléchi, qui ne pouvait s’accorder avec l’infatigable mobilité de l’imagination de Voltaire, avec cette avidité de succès qui embrassait et traitait à la fois la tragédie, la comédie, la physique, l’histoire, les contes, les romans, etc. […] Pour donner cependant à cette prose correcte et élégante un certain vernis poétique, il fallut bien recourir à l’usage des figures ; et l’antithèse dans les choses et dans les mots devint le cachet particulier du style de Voltaire. […] Delille affectionne particulièrement, par la raison bien simple qu’il y réussit le mieux, on attaqua sa manière ; on lui reprocha de procéder trop souvent par les mêmes formes périodiques ; de ne point assez connaître le grand art des transitions ; de recourir trop fréquemment aux mêmes périphrases, aux mêmes figures ; de s’attacher à quelques épithètes de prédilection, qui reparaissent à tout moment dans ses vers, et l’on en concluait que cette facture si brillante et si vantée ne sauvait pas encore à notre poésie le reproche de monotonie qu’on lui fait depuis longtemps.