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52. (1868) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, à l’usage de tous les établissements d’instruction. Cours supérieurs. Première partie : prose « Extraits des classiques français. première partie — Jean-Jacques Rousseau, 1712-1778 » pp. 313-335

Mêlant la lumière aux ténèbres, égaré par ses utopies, couvrant à son insu de l’intérêt général des théories qui flattaient ses propres ressentiments, il entoure d’un appareil logique des sophismes et des paradoxes ; il prête un faux jour d’évidence à des thèses que lui inspire le goût de la contradiction ou de la singularité : il eut une conscience d’apparat qui, sous prétexte de poursuivre la perfection, se dispensa des devoirs indispensables. […] des riches peut-être, rassasiés de faux plaisirs, mais ignorant les véritables ; toujours ennuyés de la vie, et toujours tremblants de la perdre ; peut-être des gens de lettres, de tous les ordres d’hommes le plus sédentaire, le plus malsain, le plus réfléchissant, et par conséquent le plus malheureux. […] Il n’y a que le demi-savoir et la fausse sagesse qui, prolongeant nos vues jusqu’à la mort, et pas au delà, en font pour nous le pire des maux. […] Je m’en aperçus enfin ; je me couchai voluptueusement sur la tablette d’une espèce de niche ou de fausse porte enfoncée dans un mur de terrasse ; le ciel de mon lit était formé par les têtes des arbres ; un rossignol était précisément au-dessus de moi : je m’endormis à son chant ; mon sommeil fut doux, mon réveil le fut davantage.

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