Il n’en est pas de même des historiens latins : leurs harangues sont des morceaux si achevés, dans leur genre, qu’il est impossible de s’y prêter à la moindre illusion, et de ne pas y reconnaître, à chaque mot, l’art étudié de l’orateur, et la correction élégante de l’écrivain qui a mûri toutes ses pensées par la réflexion, choisi et pesé chacune de ses expressions, et donné à ses phrases le tour et l’harmonie qui sont le fruit du travail, et ne se présentent guère à celui qui ne s’est pas fait une étude de les rechercher et de les placer à propos. […] Les traces de l’imitation ne sont pas toujours aussi sensibles que nous venons de le voir ; mais c’est en général la même fidélité à l’expression de la nature. […] C’est l’éloge surtout que lui donnait Quintilien : « Ses harangues, dit-il, sont d’une éloquence au-dessus de toute expression. […] Cet écrivain, dont la diction est habituellement faible et médiocre, et qui imitait Virgile, dit La Harpe, comme Duché et Lafosse ont depuis imité Racine, doit ses plus beaux vers à la prose de Tite-Live, dont il emprunte souvent les expressions heureuses et les tours hardis. […] Ses harangues sont moins des discours travaillés avec prétention, que l’expression vraie de ses propres sentiments ; et c’est là surtout qu’il est facile et satisfaisant d’appliquer la remarque que nous faisions il n’y a qu’un instant.