/ 293
145. (1875) Poétique

On peut coudre ensemble de belles maximes, des pensées morales, des expressions brillantes, sans produire l’effet de la tragédie ; et on le produira si, sans avoir rien de tout cela, on a une fable bien dressée et bien composée. […] L’expression de celui qui est dans l’action est toujours plus persuasive : on s’agite avec celui qui est agité ; on souffre, on s’irrite avec celui qui souffre, qui est irrité. […] Il y a encore, par rapport à l’expression, une autre partie à considérer, c’est celle des figures ; mais elle regarde principalement les maîtres de la déclamation, car c’est à eux de savoir avec quel ton et quel geste on ordonne, on prie, on raconte, on menace, on interroge, on répond, etc. […] Elle a les mêmes parties composantes, hors le chant et le spectacle ; elle a les reconnaissances et les événements tragiques ; enfin elle a les pensées et les expressions non vulgaires. […] La fable de l’Iliade est simple et pathétique : celle de l’Odyssée est implexe, morale, remplie de reconnaissances d’un bout à l’autre ; à quoi il faut ajouter les pensées et les expressions, que ce poète possède à un degré dont personne n’a approché.

/ 293