À dire le vrai, où trouvera-t-on un poëte qui ait possédé à la fois tant de grands talents, tant d’excellentes parties : l’art, la force, le jugement, l’esprit ? […] Oui, monsieur, que l’ignorance rabaisse tant qu’elle voudra l’éloquence et la poésie, et traite les habiles écrivains de gens inutiles dans les États, nous ne craindrons point de dire, à l’avantage des lettres et de ce corps fameux dont vous faites maintenant partie, que du moment que des esprits sublimes, passant de bien loin les bornes communes, se distinguent, s’immortalisent par des chefs-d’œuvre comme ceux de monsieur votre frère, quelque étrange inégalité que, durant leur vie, la fortune mette entre eux et les plus grands héros, après leur mort cette différence cesse : la postérité, qui se plaît, qui s’instruit dans les ouvrages qu’ils lui ont laissés, ne fait point de difficulté de les égaler à tout ce qu’il y a de plus considérable parmi les hommes, et fait marcher de pair l’excellent poëte et le grand capitaine. […] Quant à votre épigramme2, je voudrais que vous ne l’eussiez point faite ; outre qu’elle est assez médiocre, je ne saurais trop vous recommander de ne vous point laisser aller à la tentation de faire des vers français, qui ne serviraient qu’à vous dissiper l’esprit ; surtout il n’en faut faire contre personne. […] Hippolyte Rigault, si justement regretté : « Il fut un temps où l’on s’imaginait en France qu’un homme de génie, un grand poëte était un homme comme un autre, et ne se distinguait du commun des mortels que par l’excellence de son esprit.