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165. (1868) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, à l’usage de tous les établissements d’instruction. Cours supérieurs. Première partie : prose « Extraits des classiques français. première partie — Sainte-Beuve. Né en 1804. » pp. 566-577

Un vrai classique, comme j’aimerais à l’entendre définir, c’est un auteur qui a enrichi l’esprit humain, qui en a réellement augmenté le trésor, qui lui a fait faire un pas de plus, qui a découvert quelque vérité morale non équivoque, ou ressaisi quelque passion éternelle dans ce cœur où tout semblait connu et exploré ; qui a rendu sa pensée, son observation ou son invention, sous une forme, n’importe laquelle, mais large et grande, fine et serrée, saine et belle en soi ; qui a parlé à tous dans un style à lui, et qui se trouve aussi celui de tout le monde, dans un style nouveau, sans néologisme, nouveau et antique, aisément contemporain de tous les âges. […] Les plus antiques des sages et des poëtes, ceux qui ont mis la morale humaine en maximes, et qui l’ont chantée sur un mode simple, converseraient entre eux avec des paroles rares et suaves, et ne seraient pas étonnés, dès le premier mot, de s’entendre. […] En tenant continuellement les regards élevés, nos esprits eux-mêmes s’élèvent ; et tout ainsi qu’un homme, en s’abandonnant aux habitudes de dédain et de mépris pour les autres, est sûr de descendre au niveau de ce qu’il méprise, ainsi les habitudes opposées d’admiration et de respect enthousiaste pour le beau nous communiquent à nous-mêmes une partie des qualités que nous admirons ; et ici, comme en toute autre chose, l’humilité est la voie la plus sûre à l’élévation. » Entendez ces belles paroles du docteur Arnold comme elles le méritent, et dans le sens où elles sont dites en effet, — avec religion, non avec idolâtrie.

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