Ainsi, aux jours du moyen âge, on voyait des chrétiens quitter leur patrie pour se donner à quelque cathédrale qui se bâtissait sur les bords d’un fleuve étranger ; contents de leur journée, parce qu’elle avait servi, ils regardaient, le soir, de combien l’œuvre s’était avancée vers Dieu, et, lorsque, après vingt ou trente ans d’un obscur travail, la croix brillait au sommet du sanctuaire élevé de leurs mains, ils y jetaient un dernier regard, et, prenant leurs enfants et leurs souvenirs, ils s’en allaient, sans laisser leur nom, mourir en paix dans la bienheureuse pensée d’avoir fait quelque chose pour Dieu1. […] Et enfin, après des jours qui ont été des siècles, tout à coup, de cet abîme sourd et insensible, de cet enfant qui à peine a fait croire par un sourire qu’il entendait l’amour qui l’a mis au monde, la parole s’échappe et répond. […] Un missionnaire a paru dans la solitude avec un crucifix ; il a nommé Dieu, et les enfants ont souri, et les mères ont cru aux lèvres qui apportaient à leurs fils la bénédiction du grand Esprit. […] La religion n’a pas besoin de triomphes ; elle peut se passer de ma parole à Notre-Dame : Dieu est là pour la soutenir et l’honorer dans l’opprobre ; mais elle a besoin que ses enfants ne l’humilient pas eux-mêmes et ne déshonorent pas ses épreuves.