L’idée qui en fait le fond doit être délicate et gracieuse ; il faut que les refrains paraissent ramenés sans effort, pour l’agrément de la pièce et non par nécessité. […] Pour composer une œuvre épique durable et vraiment digne de ce nom, il faut trois conditions : 1° Un grand sujet, la guerre de Troie, par exemple, qui met aux prises l’Asie et l’Europe (Iliade), ou un héros célèbre qui a frappé l’imagination populaire par le prestige de grandes actions (les poèmes chevaleresques du moyen âge, particulièrement ceux du cycle carlovingien, — Chanson de Roland) ; 2° Un développement considérable d’imagination et de langue chez le peuple qui voit naître cette œuvre, c’est-à-dire une imagination poétique empreinte d’une forte culture intellectuelle, une langue et un esprit mûris par de longs efforts ; 3° Enfin, une école de poètes privilégiés, personnifiée dans l’un de ses plus célèbres représentants (Homère et les rhapsodes) ou le génie d’un grand poète qui résume l’inspiration des siècles passés et donne à leurs conceptions une forme parfaite et définitive (Virgile, dans l’Énéide).