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31. (1882) Morceaux choisis des prosateurs et poètes français des XVIIe, XVIIIe et XIXe siècles. Cours supérieur. Poètes (2e éd.)

En tout cela, Malherbe a raison, — si ce n’est peut-être qu’il fut trop absolu à proscrire la rencontre des voyelles, et trop exigeant sur l’article et sur le pronom ; — mais il va si loin dans ses autres prohibitions, il établit des règles générales d’une étroitesse si tyrannique, que l’art de rimer descend à l’art d’assembler purement et simplement un certain nombre de mots dans un ordre tout de convention. […] Pour le roi allant châtier la rébellion des Rochelois, et chasser les Anglais, qui en leur faveur étaient descendus en l’île de Ré. […] Entrevoyant que rien ne défendait à la tragédie de descendre plus bas que les princes et les héros, quand il se rencontrait dans l’histoire des actions dignes d’être embellies par elle, il emprunta à l’espagnol, pour raccommoder au théâtre, l’histoire de don Sanche, soldat de fortune, aventurier inconnu, regardé comme le fils d’un pêcheur, aimé de deux reines, et, à la fin, devenant mari de l’une, en étant reconnu pour frère de l’autre. […] Du haut de l’escalier je le voyais descendre ; En vain de ce faux bruit il se voulait défendre, Votre cour, obstinée à lui changer de nom, Murmurait tout autour : « Don Sanche d’Aragon », Quand un chétif vieillard le saisit et l’embrasse Lui, qui le reconnaît, frémit de sa disgrâce ; Puis, laissant la nature à ses pleins mouvements, Répond avec tendresse à ses embrassements. […] Ne te souvient-il plus de ce bouc trop crédule, Descendu dans un puits pour se désaltérer, Qui fut par le renard traité de ridicule Pour n’avoir pas prévu l’endroit à s’en tirer ?

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