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41. (1868) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, à l’usage de tous les établissements d’instruction. Cours supérieurs. Première partie : prose « Extraits des classiques français. première partie — Jean-Jacques Rousseau, 1712-1778 » pp. 313-335

Le voleur qui dépouille les passants couvre encore la nudité du pauvre, et le plus féroce assassin soutient un homme tombant en défaillance. […] Le théâtre en fourmille ; les cafés retentissent de leurs sentences ; il les affichent dans les journaux ; les quais sont couverts de leurs écrits, et l’Orphelin 2, parce qu’on l’applaudit, est critiqué par tel grimaud si peu capable d’en voir les défauts, qu’à peine en sent-il les beautés. […] L’or des genêts et la pourpre des bruyères4 frappaient mes yeux d’un luxe qui touchait mon cœur ; la majesté des arbres qui me couvraient de leur ombre, la délicatesse des arbustes qui m’environnaient, l’étonnante variété des herbes et des fleurs que je foulais sous mes pieds, tenaient mon esprit dans une alternative continuelle d’observation et d’admiration : le concours de tant d’objets intéressants qui se disputaient mon attention, m’attirant sans cesse de l’un à l’autre, favorisait mon humeur rêveuse et paresseuse, et me faisait souvent redire en moi-même : « Non, Salomon dans toute sa gloire ne fut jamais vêtu comme l’un d’eux5. » Mon imagination ne laissait pas longtemps déserte la terre ainsi parée. […] Je trouvais mon couvert mis sur ma terrasse.

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