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15. (1853) De la rhétorique, ou De la composition oratoire et littéraire (2e éd.) « Chapitre XI. du corps de l’ouvrage. — narration, description  » pp. 146-160

Une fois la pensée mère, celle qui donne l’unité de dessein, bien comprise et bien saisie, il s’agit, disions-nous, de disposer les principales idées dans leurs justes proportions avec cette pensée première, et de grouper ensuite, selon les mêmes rapports, les idées accessoires autour des idées principales, en sorte que chacune d’elles amène la suivante, et que celle-ci se rattache étroitement à la précédente. […] Vous comprenez donc que, par son importance, la narration ou thèse appelle au plus haut degré l’attention de l’écrivain, et vous voyez que son mérite essentiel est la clarté. […] Tout est là, et ce précepte, bien compris, dispense de tous les autres. […] mettez-vous à la place du lecteur, et si vous pouvez craindre que celui-ci, encore mal éclairé sur votre dessein, ou trop vivement préoccupé de l’action, ne comprenne pas l’utilité de votre tableau, ou n’y accorde qu’une médiocre attention, quelque intéressant, quelque brillant qu’il vous paraisse, ajournez-le jusqu’à ce que, plus rassis, mieux disposé, le lecteur l’appelle lui-même aussi vivement que vous. […] Pour y parvenir, l’écrivain rattachera la description tantôt aux héros du poëme, du drame, du roman, du discours, par l’harmonie ou les contrastes qu’il établit entre la nature extérieure et les sentiments qui les animent ; tantôt au lecteur lui-même, en mettant l’action en lui, en réveillant, pour les lui faire partager ou du moins comprendre, les émotions humaines qui dorment au sein de la nature, en faisant pénétrer enfin dans les objets physiques un élément moral.

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