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82. (1868) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, à l’usage de tous les établissements d’instruction. Cours supérieurs. Première partie : prose « Extraits des classiques français. première partie — Molière, 1622-1673 » pp. 43-55

Elle nous apprendra que ses plus grands hommes, et des premiers en dignité, ont fait gloire d’en composer eux-mêmes, qu’il y en a eu d’autres qui n’ont pas dédaigné de réciter en public celles qu’ils avaient composées ; que la Grèce a fait pour cet art éclater son estime par les prix glorieux et par les superbes théâtres dont elle a voulu l’honorer ; et que, dans Rome enfin, ce même art a reçu aussi des honneurs extraordinaires ; je ne dis pas dans Rome débauchée et sous la licence des empereurs, mais dans Rome disciplinée, sous la sagesse des consuls, et dans le temps où régnait la vigueur de la vertu romaine. […] Apprends, marquis, je te prie, et les autres aussi, que le bon sens n’a point de place déterminée ; que la différence du demi-louis d’or2 et de la pièce de quinze sous ne fait rien du tout au bon goût ; que debout ou assis on peut donner un mauvais jugement, et qu’enfin, à le prendre en général, je me fierais assez à l’approbation du parterre, par la raison qu’entre ceux qui le composent il y en a plusieurs qui sont capables de juger d’une pièce selon les règles, et que les autres en jugent par la bonne façon d’en juger, qui est de se laisser prendre aux choses, et de n’avoir ni prévention aveugle, ni complaisance affectée, ni délicatesse ridicule3.

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