Dès lors, le grand intérêt du théâtre dépendit du jeu des passions : leurs progrès » leurs combats, leurs ravages, tous les maux qu’elles ont causes, les vertus qu’elles ont étouffées comme dans leurs germes, les crimes qu’elles ont fait éclore du sein même de l’innocence, du fond d’un naturel heureux : tels furent les tableaux que présenta la tragédie. […] Or, le dialogue a deux formes et deux espèces : il est soutenu, quand l’acteur développe ce qu’il pense en un discours suivi, et que l’acteur opposé approuve ou combat ses arguments, en une réplique suivie, d’une certaine étendue. […] Le monologue ne doit pas être, comme chez les Grecs et les Romains, le récit d’un événement ou l’annonce de ce qui doit arriver, puisque nos drames n’ont pas de chœur, mais l’expression d’un combat intérieur, où le personnage paraisse irrésolu et délibérant avec lui-même sur ce qu’il doit faire, ou le résultat d’une passion violente. […] Ainsi, veut-on connaître le vrai langage des héros tragiques qu’enflamment l’amour de la patrie et une ardeur insatiable pour la gloire, qu’on écoute parler Horace dans la tragédie de Corneille (II. 2), lorsque Curiace, en le félicitant de ce que Home l’a nommé avec ses deux frères pour le combat, ne peut s’empêcher de lui témoigner ses craintes pour Albe, sa patrie.