De Cupido et de sa dame Amour trouva celle qui m’est amere : Et j’y estois, j’en sçay bien mieulx le compte87 : Bon jour, dit-il, bon jour Venus, ma mere ; Puis tout à coup il veoit qu’il se mescompte, Dont la couleur au visage luy monte, D’avoir failly honteux Dieu sçait combien : Non, non, Amour, ce dy je, n’ayez honte ; Plus clair voyans88 que vous s’y trompent bien89. […] Les autres plus gaillards sur les grapes nouvelles A deux piez s’affrondroyent jusque s sous les aiscelles ; Les uns serroyent le marc, les autres pressuroyent ; Les uns pour vendanger sur la pierre émouloyent Le petit bec crochu de leurs mousses266 serpettes ; Les uns trempoyent l’osier, les autres leurs tinettes267, Leurs hottes, leur estrain268, dedans les clairs ruisseaux ; Autres alloyont raclant les costes des vaisseaux269 De gravelle270 emaillees, et de mousses couvertes, Les autres leur serroyent les levres entrouvertes D’un cercle de peuplier, cordonné d’osiers francs, Puis à coups de maillet leur rebatoyent les flancs ; Les uns buvoyent au bord de la fumante gueule Des cuves au grand ventre, autres tournoyent la meule, Faisant craquer le grain et pleurer le raisin ; Puis sous l’arbre avallé271, un grand torrent de vin Rouloit dedans le met272, et d’une force estrange Faisoyent geindre le bois et pleuvoir la vendange : Autres à dos panché entonnoyent à plein seau La bouillante liqueur de ce vin tout nouveau, Autres alloyent criant de leur puissance toute Qu’au pied des seps tortus on fist la mere-goute273, Et chancelant de piés, de teste et de genoux, S’enyvroyent seulement au fumet des vins doux274. […] Et puis se reposant dessous l’ombrage épais D’un grand hestre touffu, pour prendre un peu de frais, Il oit dans les forests des vents le doux murmure, Qui semble caqueter avecques la verdure430 ; Il oit le gazouillis de ces mille ruisseaux Dont les Naïades font parler les claires eaux ; Il oit mille oisillons qui sans cesse jargonnent, Et les gais rossignols qui par dessus fredonnent ; Il oit un escadron, un essaim bourdonnant D’abeilles qui là vont un grand bruit demenant431 ; Il oit sourdre à bouillons les sources fontainieres ; Il contemple le cours des bruyantes rivieres : Ce qui lui fait alors un tel desir venir De sommeiller un peu, qu’il ne s’en peut, tenir… Oh ! […] Ces ruisselets d’argent que les Grecs nous feignoient, Où leurs poëtes vains beuvoient et se baignoient453, Ne courent plus icy ; mais les ondes si claires, Qui eurent les saphirs et les perles contraires454, Sont rouges de nos morts ; le doux bruit de leurs flots, Leur murmure plaisant heurte contre des os. […] Mon penser la suivit, au defaut de mes yeux, Jusqu’aux voûtes du ciel tout clair de sa venuë, Et voit qu’en tant de gloire où elle est retenue Elle a dueil que je sois encor en ces bas lieux.