/ 335
110. (1807) Principes généraux des belles-lettres. Tome II (3e éd.) « Seconde partie. Des Productions Littéraires. — Section II. Des Ouvrages en Vers. — Notions préliminaires. »

Molière voulant tracer le vrai caractère de l’avare, n’en chercha point un parfait modèle dans la société, c’est-à-dire, qu’il ne s’appliqua point à y découvrir un homme qui eût fait tout ce que fait on peut faire un avare. Mais il observa attentivement différents avares ; il saisit les plus grands traits d’avarice qu’ils avaient faits ; il y ajouta, d’après la connaissance profonde qu’il avait du cœur humain, d’autres traits qu’il imagina qu’un avare est capable de faire : il réunit tous ces traits, les attribua à son personnage, et, par là, vint à bout d’en composer un caractère parfait dans son genre. […] Il est aisé de juger que ce que je viens de dire des circonstances d’une action et des différents traits qui composent un caractère, doit s’appliquer à un tableau, à un édifice, à un monument présentés dans toute la beauté, dans toute la perfection imaginable. […] Il s’ensuit de tout ce que je viens de dire, que le poète, pour être en état d’inventer, doit porter des yeux attentifs sur la nature, en bien saisir toutes les parties et le vrai beau ; distinguer tout ce qui est, et tout ce qui peut être ; observer les hommes et leurs divers caractères, étudier à fond le cœur humain, démêler tous les secrets ressorts qui le font mouvoir, tous les sentiments dont il est susceptible, toutes les passions qui peuvent le maîtriser dans toutes les circonstances possibles de la vie. […] Voici le sens de ce morceau : « Il faut donner à chaque vers, l’air et le caractère qui lui sont propres.

/ 335