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105. (1845) Leçons de rhétorique et de belles-lettres. Tome I (3e éd.)

Mais ce qui en fait surtout le mérite, c’est l’impartialité avec laquelle l’auteur a jugé les productions du génie des autres nations ; il sut mettre de côté tous les préjugés, pour ne suivre que l’étendard de la raison et du bon goût. […] Elles sèment de fleurs les sentiers de la science ; et, si d’un côté elles tiennent l’esprit tendu et lui font déployer presque toute son activité, de l’autre elles le délassent des laborieux efforts auxquels il est obligé de se soumettre pour acquérir ce qu’il est indispensable de savoir, ou poursuivre quelques vérités abstraites. […] Laissant de côté tous ces systèmes, je me propose de passer successivement en revue les différentes classes d’objets dans lesquels la beauté est le plus sensible, et j’indiquerai, autant qu’il sera en mon pouvoir, les causes particulières de la beauté de chacun. […] Dans ce passage des remarques sur l’Histoire d’Angleterre, par lord Bolingbroke : « Une monarchie limitée comme la nôtre est placée, si je ne me trompe, comme on l’a dit souvent, dans ce juste milieu dont on ne saurait s’écarter sans se précipiter d’un côté dans la tyrannie, et de l’autre dans l’anarchie ; » la construction eût été plus heureusement disposée ainsi : « Une monarchie limitée comme la nôtre est, si je ne me trompe, placée, comme on l’a dit souvent, dans ce juste milieu, etc. » Je ne donnerai plus qu’une règle sur la force dans les phrases. […] Ainsi lorsque Bolingbroke dit : « Les rieurs seront pour ceux qui ont le plus d’esprit ; la partie sérieuse du genre humain sera pour ceux qui ont la raison de leur côté, » (Préface de la Dissertation sur les partis) l’opposition eût été bien plus complète s’il avait mis : « Les rieurs seront pour ceux qui ont le plus d’esprit, et les gens sérieux pour ceux qui ont la raison de leur côté. » Le passage suivant, extrait de la préface de l’Homère de Pope, est une belle application de la règle que je viens de donner : « Homère avait plus de génie, Virgile avait plus d’art ; dans l’un, ce que nous admirons le plus, c’est l’homme : dans l’autre, c’est l’ouvrage.

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