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83. (1872) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, accompagnés de notes et notices. Cours supérieurs et moyens. Prose et poésie « Extraits des classiques français — Première partie. Prose — Bossuet 1627-1704 » pp. 65-83

Le néant des grandeurs Comme les fleuves, quelque inégalité qu’il y ait dans leur course, sont en cela tous égaux, qu’ils viennent d’une source petite, de quelque rocher, ou de quelque motte de terre, et qu’ils perdent tous leurs eaux dans l’Océan ; là on ne distingue plus ni le Rhin, ni le Danube dans les petites rivières et les plus inconnues ; ainsi les hommes commencent de même, et après avoir achevé leur course, après avoir fait, comme des fleuves, un peu plus de bruit les uns que les autres, ils sont tous enfin confondus dans ce gouffre infime de la mort et du néant, où l’on ne trouve plus ni César, ni Alexandre, ni tous ces grands noms qui nous étonnent, mais la corruption et les vers, la cendre et la poussière qui nous égalent1. […] Inquiétude de l’homme Les mondains, toujours dissipés, ne connaissent pas l’efficace1 de cette action paisible et intérieure qui occupe l’âme en elle-même ; ils ne croient pas s’exercer s’ils ne s’agitent, ni se mouvoir s’ils ne font du bruit ; de sorte qu’ils mettent la vie dans cette action empressée et tumultueuse ; ils s’abîment dans un commerce1 éternel d’intrigues et de visites, qui ne leur laisse pas un moment à eux2.

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