/ 132
50. (1867) Rhétorique nouvelle « Première partie. L’éloquence politique » pp. 34-145

Ceux qui étaient hier ses auditeurs sont aujourd’hui ses compagnons d’armes ; demain, si le projet échoue, ils seront peut-être ses juges. […] Il caresse ses auditeurs, il flatte leur orgueil national, il compare la patrie qui pleure ses jeunes guerriers à l’année qui a perdu son printemps, il dit que ceux-ci sont immortels comme les dieux : Car nous ne voyons pas les dieux en leur essence ; mais par les honneurs qu’on leur fait, et par les grands biens dont ils jouissent nous conjecturons qu’ils sont immortels, et les mesmes choses sont en ceulx qui meurent pour la défense de leur païs. […] Car, je vous le demande, n’est-il pas vrai que, quand vous joindriez à tous les dons de l’intelligence la plus vive le charme de la parole la plus séduisante, si vos auditeurs n’avaient pas confiance en vous, s’ils ne vous regardaient pas comme un homme convaincu et capable, au besoin, de donner sa vie pour ce qu’il croit juste et vrai, vos beaux discours glisseraient sur eux comme l’eau sur le marbre ? […] Jamais il n’abordait la tribune qu’avec un discours longuement mûri et médité, et cette préparation était un hommage qu’il croyait dû et aux intérêts sacrés de l’État et à l’intelligence de ses auditeurs. […] Ne vous semble-t-il pas qu’elles devaient faire entrer, comme autant de pointes acérées, la honte et le remords dans l’âme des auditeurs ?

/ 132