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123. (1853) De la rhétorique, ou De la composition oratoire et littéraire (2e éd.) « Chapitre VI. des mœurs  » pp. 75-88

Pour les anciens, avons-nous dit, la rhétorique est l’art de persuader des auditeurs ou des juges. […] Ce qui dérive de la faiblesse et de l’irritabilité des organes : la finesse de perception, la délicatesse de sentiment, la mobilité des idées, la docilité de l’imagination, les caprices de la volonté, la crédulité superstitieuse, les craintes vaines, les fantaisies et tous les vices des enfants ; ce qui dérive du besoin naturel d’apprivoiser un être sauvage, fier et fort, par lequel on est dominé : la modestie, la candeur, la simple et timide innocence, ou, à leur place, la dissimulation, l’adresse, l’artifice, la souplesse, la complaisance, tous les raffinements de l’art de séduire et d’intéresser ; enfin, ce qui dérive d’un état de dépendance et de contrainte, quand la passion se révolte et rompt les liens qui l’enchaînent : la violence, l’emportement, et l’audace du désespoir : voilà le fond des mœurs du côté du sexe le plus faible, et par là le plus susceptible de mouvements passionnés. […] Et ceci est tout à la fois un des mille arguments en faveur de l’utilité littéraire des sciences, de celles même qui paraissent le plus étrangères à l’art du style proprement dit. […] Voyez quel caractère d’originalité elle a donné à l’histoire, sous la plume de Montesquieu, de Niebuhr, de Thierry ; et si parfois l’imagination a entraîné l’un ou l’autre de ces écrivains au delà de la vérité historique, l’excès ou le défaut dans l’application n’altère point la valeur du précepte que Boileau a formulé dans l’art poétique : Des siècles, des pays étudiez les mœurs, Les climats font souvent les diverses humeurs. […] Il faut tenir compte, sous ce rapport, des moindres accidents ; et ici les arts du dessin viennent, comme tout à l’heure la physiologie, en aide à la rhétorique.

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