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20. (1868) Extraits des classiques français, dix-septième, dix-huitième et dix-neuvième siècles, à l’usage de tous les établissements d’instruction. Cours supérieurs. Première partie : prose « Extraits des classiques français. première partie — Buffon, 1707-1788 » pp. 282-302

À peine aperçoit-on leurs pieds, tant ils sont courts et menus : ils en font peu d’usage ; ils ne se posent que pour passer la nuit, et se laissent, pendant le jour, emporter dans les airs ; leur vol est continu, bourdonnant et rapide. Marcgrave1 compare le bruit de leurs ailes à celui d’un rouet… ; leur battement est si vif, que l’oiseau, s’arrêtant dans les airs, paraît non-seulement immobile, mais tout à fait sans action. […] Le lion et le tigre sur la terre, l’aigle et le vautour dans les airs, ne règnent que par la guerre, ne dominent que par l’abus de la force et par la cruauté, au lieu que le cygne règne sur les eaux à tous les titres qui fondent un empire de paix, la grandeur, la majesté, la douceur ; avec des puissances, des forces, du courage, et la volonté de n’en pas abuser et de ne les employer que pour la défense, il sait combattre et vaincre sans jamais attaquer : roi paisible des oiseaux d’eau, il brave les tyrans de l’air ; il attend l’aigle sans le provoquer, sans le craindre ; il repousse ses assauts en opposant à ses armes la résistance de ses plumes et les coups précipités d’une aile vigoureuse qui lui sert d’égide ; et souvent la victoire couronne ses efforts. […] Cette page justifie par son air grandiose ce mot appliqué à Buffon, comme à Pline : « son génie égale la majesté de la nature ». […] Le bruit et le vol des oiseaux devenaient rares, l’air s’agitait à travers un feuillage moins épais ; peu à peu même les arbres s’enfuyaient au-dessous de nous dans une perspective lointaine, et un gazon sans fleurs nous restait comme un dernier vestige de grâce et de fécondité.

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